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Page:Malherbe - Œuvres poétiques de Malherbe, éd. Blanchemain, 1897.djvu/227

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LES LARMES DE SAINCT PIERRE.

Ayans Dieu dans le coeur, ne le purent louer ;
Mais leur sang leur en fut un témoin véritable ;
Et moy, pouvant parler, j’ay parlé, misérable,
Pour luy faire vergogne et le desavouer.

« Le peu qu’ils ont vécu leur fut grand avantage,
Et le trop que je vy ne me fait que dommage.
Cruelle occasion du soucy qui me nuit !
Quand j’avois de ma foy l’innocence première,
Si la nuit de ma mort m’eût privé de lumière,
Je n’aurois pas la peur d’une immortelle nuit.

« Ce fut en ce troupeau que, venant à la guerre
Pour combattre l’enfer et défendre la terre,
Le Sauveur incognu sa grandeur abaissa ;
Par eux il commença la première meslée,
Et furent eux aussi que la rage aveuglée
Du contraire party les premiers offença.

« Qui voudra se vanter avec eux se compare,
D’avoir receu la mort par un glaive barbare,
Et d’être allé soy-mesme au martyre s’offrir :
L’honneur leur appartient d’avoir ouvert la porte
À quiconque osera, d’une ame belle et forte,
Pour vivre dans le ciel, en la terre mourir.

« Ô désirable fin de leurs peines passées !
Leurs pieds, qui n’ont jamais les ordures pressées,