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ODE VI.

Sa gloire à danser et chanter,
Tirer de l’arc, sauter, lutter,
A nulle autre n’estoit seconde :
Mais, s’il n’eust rien eu de plus beau,
Son nom, qui vole par le monde,
Seroit-il pas dans le tombeau ?

S’il n’eust, par un bras homicide
Dont rien ne repoussoit l’effort,
Sur Ilion vengé le tort
Qu’avoit receu le jeune Atride,
De quelque adresse qu’au giron
Ou de Phenix ou de Chiron
Il eust fait son apprentissage,
Nostre âge auroit-il aujourd’huy
Le memorable témoignage
Que la Grece a donné de luy ?

C’est aux magnanimes exemples
Qui, sous la banniere de Mars,
Sont faits au milieu des hazards
Qu’il appartient d’avoir des temples ;
Et c’est avecques ces couleurs
Que l’histoire de nos malheurs
Marquera si bien ta memoire
Que tous les siecles avenir
N’auront point de nuit assez noire
Pour en cacher le souvenir.