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ODE VIII.

Font tout perdre à la violance
Qui veut avoir plus que le sien.

Nos champs mesme ont leur abondance
Hors de l’outrage des voleurs ;
Les festins, les jeux et la danse
En bannissent toutes douleurs.
Rien n’y gemit, rien n’y souspire ;
Chaque Amarille a son Tityre ;
Et, sous l’épaisseur des rameaux,
Il n’est place où l’ombre soit bonne
Qui soir et matin ne resonne
Ou de voix ou de chalumeaux.

Puis, quand ces deux grands hymenées,
Dont le fatal embrassement
Doit applanir les Pyrenées,
Auront leur accomplissement,
Devons-nous douter qu’on ne voye,
Pour accompagner cette joye,
L’encens germer en nos buissons,
La myrrhe couler en nos rues,
Et, sans l’usage des charrues,
Nos plaines jaunir de moissons ?

Quelle moins hautaine esperance
Pouvons-nous concevoir alors,
Que de conquester à la France
La Propontide en ses deux bors,