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Page:Malherbe - Œuvres poétiques de Malherbe, éd. Blanchemain, 1897.djvu/90

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ODE IX


Là rendront tes guerriers tant de sortes de preuves,
Et d’une telle ardeur pousseront leurs efforts,
Que le sang estranger fera monter nos fleuves
Au-dessus de leurs bords.

Par cet exploit fatal en tous lieux va renaistre
La bonne opinion des courages françois ;
Et le monde croira, s’il doit avoir un maistre,
Qu’il faut que tu le sois.

Ô que, pour avoir part en si belle avanture,
Je me souhaiterais la fortune d’Eson,
Qui, vieil comme je suis, revint contre nature
En sa jeune saison !

De quel peril extreme est la guerre suivie,
Où je ne fisse voir que tout l’or du Levant
N’a rien que je compare aux honneurs d’une vie
Perdue en te servant ?

Toutes les autres morts n’ont merite ny marque :
Celle-ci porte seule un éclat radieux
Qui fait revivre l’homme, et le met de la barque
A la table des dieux.

Mais quoy ! tous les pensers dont les ames bien nées
Excitent leur valeur et flattent leur devoir,
Que sont-ce que regrets, quand le nombre d’années
Leur oste le pouvoir ?