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L’ÉCOLE CLASSIQUE

Et le temps, orgueilleux d’avoir fait ton visage,
En conserve l’éclat, et craint de l’effacer.

Regarde sans frayeur la fin de toutes choses ;
Consulte le miroir avec des yeux contents :
On ne voit point tomber ni tes lis ni tes roses,
Et l’hiver de ta vie est ton second printemps.

Pour moi, je cède aux ans, et ma tête chenue
M’apprend qu’il faut quitter les hommes et le jour ;
Mon sang se refroidit ; ma force diminue ;
Et je serais sans feu, si j’étais sans amour…


À Alcippe


  ALCIPPE, reviens dans nos bois,
  Tu n’as que trop suivi nos rois
Et l’infidèle espoir dont tu fais ton idole :
 Quelque bonheur qui seconde tes vœux,
Ils n’arrêteront pas le temps qui toujours vole,
Et qui d’un triste blanc va peindre tes cheveux.

  La cour méprise ton encens,
  Ton rival monte et tu descends,
Et dans le cabinet le favori te joue.
 Que t’a servi de fléchir les genoux
Devant un Dieu fragile et fait d’un peu de boue,
Qui souffre et qui vieillit pour mourir comme nous ?

  Romps tes fers, bien qu’ils soient dorés,
  Fuis les injustes adorés,
Et descends dans toi-même à l’exemple du sage.
 Tu vois de près ta dernière saison :
Tout le monde connaît ton nom et ton visage,
Et tu n’es pas connu de ta propre raison.