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FRANÇOIS MAYNARD


  Ne forme que des saints désirs,
  Et te sépare des plaisirs
Dont la molle douceur te fait aimer la vie.
 Il faut quitter le séjour des mortels,
Il faut quitter Philis, Amarante et Silvie,
À qui ta folle amour élève des autels.

  Il faut quitter l’ameublement
  Qui nous cache pompeusement
Sous de la toile d’or le plâtre de ta chambre.
 Il faut quitter ces jardins toujours verts,
Que l’haleine des fleurs parfume de son ambre,
Et qui font des printemps au milieu des hivers.

  C’est en vain que loin des hasards
  Où courent les enfants de Mars,
Nous laissons reposer nos mains et nos courages ;
 Et c’est en vain que la fureur des eaux.
Et l’insolent Borée, artisan des naufrages,
Font à l’abri du port retirer nos vaisseaux.

  Nous avons beau nous ménager,
  Et beau prévenir le danger,
La mort n’est pas un mal que le prudent évite ;
 Il n’est raison, adresse, ni conseil,
Qui nous puisse exempter d’aller où le Cocyte
Arrose des pays inconnus au soleil.

  Le cours de nos ans est borné ;
  Et quand notre heure aura sonné,
Cloton ne voudra plus grossir notre fusée.
 C’est une loi, non pas un châtiment,
Que la nécessité qui nous est imposée
De servir de pâture aux vers du monument.

  Résous-toi d’aller chez les morts ;
  Ni la race, ni les trésors,