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NOTICE

prise de corps, est à son tour condamné au bûcher, heureusement par contumace : il a pris la fuite et il ne sera exécuté qu’en effigie, sur la place de Grève. Le voilà donc errant à travers le Languedoc, puis les Landes, se cachant dans les lieux déserts, car devant lui se ferment les portes de ses amis d’autrefois. Le bon duc et la bonne duchesse lui offrent encore une cachette à Chantilly ; mais il ne s’y arrête qu’un moment, de peur de compromettre ses hôtes et, enfin, il est appréhendé à Saint Quentin, ramené, chargé de chaînes, à Paris, et enfermé à la Conciergerie, dans l’ancien cachot de Ravaillac.

Arrêtons ici le récit de ses traverses, qui serait long encore. Disons seulement que l’âme du poète grandit d’épreuve en épreuve ; que, durant deux années de prison, il se consola des Garasse et des Voisin avec Saint Augustin et avec Platon, et qu’il écrivit, pour se défendre, une Apologie au Roi, qui est de la plus émouvante beauté. On n’osa l’absoudre, mais il fut seulement banni de France, et, lorsqu’il se retira chez les Montmorency, à Chantilly d’abord, puis à Paris même dans leur hôtel, on ferma les yeux. Miné par tant de souffrances, il mourut peu de temps après, à trente-six ans. L’affreux père Garasse venait justement d’être censuré comme « hérétique » et comme « bouffon » par la Faculté de Théologie. Théophile aurait pu triompher d’un ennemi vaincu, le noircir à son tour, d’une encre vigoureuse ; non, les ombrages de Chantilly avaient conseillé à ce cœur charmant des chansons plus douces :

Mais ici mes vers, glorieux
D’un objet plus beau que les anges,
Laissent ce soin injurieux
Pour s’occuper à des louanges.
Puisque l’horreur de la prison
Nous laisse encore la raison,
Muses, laissons passer l’orage ;
Donnons plutôt notre entretien
À louer qui nous fait du bien
Qu’à maudire qui nous outrage.


Et ses derniers vers furent pour sa bienfaitrice, pour Sylvie.