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NOTICE

toute la littérature. On ne connaissait presque rien de lui, mais on savait que, dans ses veilles laborieuses, il préparait à la France un poème épique sur la Pucelle, qui devait éclipser à la fois l’Iliade, l’Énéide et la Jérusalem Délivrée. En attendant qu’il parût, on confiait à l’auteur, sur ce crédit, les missions les plus éminentes, notamment celle de rédiger les fameux Sentiments de l’Académie sur le Cid.

Enfin, en 1656, parurent le douze premiers chants de son épopée… et depuis, le nom de Chapelain n’est plus connu que comme celui du plus ennuyeux, du plus rocailleux, du plus illisible des poètes. Lui-même n’a jamais osé publier les douze derniers chants, encore qu’ils fussent composés. Il crut, d’ailleurs, à une monstrueuse injustice des contemporains et continua de se déclarer « le premier poète pour l’héroïque, » si bien que, à ce titre, il s’inscrivit lui-même, avec une pension de 3 000 livres, sur la liste des poètes à pensionner que Colbert l’avait chargé de dresser en 1663. Et, après, il y inscrivit Corneille, avec 2 000 livres seulement ! Ajoutons bien vite qu’il y a quand même, dans la Pucelle, deux ou trois belles pages, et que l’Ode au Cardinal de Richelieu, l’un des rares morceaux lyriques de Chapelain, n’est pas indigne de Malherbe.



Ogier de Gombaud, gentilhomme saintongeois de haute mine, de belles manières et de noble langage, grandit, vécut et mourut, à près de cent ans (1666), avec l’illusion que, dans sa jeunesse, il avait été mystérieusement et silencieusement adoré par la reine Marie de Médicis. Vieux, il gardera, auprès des dames, l’attitude ridicule et touchante du Don Guritan de Ruy Blas. On le raillera mais on le respectera. Il y a quelque chose de solennel et de charmant tout à la fois dans sa galanterie Quand M. de Montausier pour plaire à la belle Julie d’Angennes, fille de la Marquis de Rambouillet, invitera tous les beaux esprits de l’Hôtel à tresser avec lui la célèbre Guirlande de Julie, c’est Gombaud qui rimera ainsi le madrigal de l’Amarante :

Je suis la fleur d’amour qu’Amarante on appelle
Et qui vient de Julie adorer les beaux yeux.