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NOTICE

de ces excès pindariques… » Ah ! le démon qui entraîne Boileau ! Ah ! les magnificences, les audaces, les saillies, les excès pindariques de Boileau !

Quelle docte et sainte ivresse
Aujourd’hui me fait la loi ?
Chastes Nymphes du Permesse,
N’est-ce pas vous que je voi ?…

Est-ce Apollon et Neptune
Qui, sur ces rocs sourcilleux,
Ont, compagnons de fortune,
Bâti ces murs orgueilleux ?
De leur enceinte fameuse
La Sambre, unie à la Meuse,
Défend le fatal abord ;
Et, par cent bouches horribles,
L’airain sur ces monts terribles
Vomit le fer et la mort.

Dix mille vaillants Alcides
Les bordant de toutes parts,
D’éclairs au loin homicides
Font pétiller les remparts, etc…

Il s’agit ici des canons et des fusils, des artilleurs et des mousquetaires ! Et quand, plus haut, le poète se demande si ce sont Apollon et Neptune qui, compagnons de fortune, ont bâti ces murs orgueilleux sur ces rocs sourcilleux, c’est que, paraît-il, ces deux Olympiens s’étaient jadis loués ensemble à Laomédon pour rebâtir les murs de Troie. Du moins, Boileau nous l’assure, dans une note, au bas de la page.

Invocations, exclamations, apostrophes et prosopopées ; termes impropres et périphrases ; allégories et mythologie ; rimes en épithètes, écœurantes à force d’être faciles, interchangeables tant elles sont banales ; le tout dans un délire de commande et dans un désordre concerté : voilà l’Ode sur la Prise de Namur, et voilà, pour cent années, toute l’ode française, dont le « Législateur de notre Parnasse » aura donné le modèle définitif. Quoi qu’il en pense, rien ne ressemble moins à du Pindare ; c’est du Malherbe inconsciemment parodié, gauchement imité, par un homme qui n’a goûté, qui n’a admiré chez ce