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NOTICE

sacrifices, et tous acceptaient l’orage. Cet élan commun qui soulevait toute poitrine d’un égal mouvement aurait eu besoin d’un rythme, d’un chant qui soulageât les cœurs, fit écho à la douce et fraternelle émotion qui animait les convives. L’un d’eux le traduisit : « Allons ! » Et ce mot dit, tout fut trouvé : « Allons, enfants de la patrie ! » Ce fut comme un éclair du ciel. Tout le monde fut saisi, ravi, tous reconnurent ce chant entendu pour la première fois. Tous le savaient, tous le chantèrent, tout Strasbourg, toute la France. On l’appelle la Marseillaise. Le monde, tant qu’il y aura un monde, la chantera à jamais. »

Et Michelet ajoute : « Si ce n’était qu’un chant de guerre, il n’aurait pas été adopté par les nations. C’est un chant de fraternité ; ce sont des bataillons de frères qui, pour la sainte défense du foyer, de la patrie, vont ensemble d’un même cœur. C’est un chant qui dans la guerre conserve un esprit de paix. Qui ne connaît la strophe sainte :

« Épargnez ces tristes victimes !… »


Le dernier couplet de la Marseillaise, celui des Enfants, n’est pas de Rouget de Lisle : il fut écrit quelques mois plus tard, peut-être par un obscur écrivain nommé Louis du Bois. On n’en est pas sûr. Ni l’un ni l’autre de ces auteurs ne se retrouvèrent une seconde fois des poètes ; ils avaient été un seul jour, les mystérieux instruments d’une inspiration collective ; on comprend, par leur exemple, cette formule de Richard Wagner : « Le Peuple, force efficiente de l’œuvre d’art ; » et c’est par une telle origine, non par une perfection formelle qu’il n’y faut point chercher, que s’expliquent les héroïques vertus de notre chant national.



L’autre poète de la Liberté et de la Victoire, c’est, nous l’avons dit, Marie-Joseph Chénier, l’auteur de ce Chant du Départ qui, sur la grandiose musique de Méhul, fut chanté pour la première fois dans une fête de l’an II décrétée par la Convention à la nouvelle de la glorieuse bataille de Fleurus, et pour la dernière fois en 1804, au