Page:Malherbe - Les Larmes de Saint-Pierre, 1596.pdf/10

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   Il part, & la douleur qui d’vn morne ſilence
Entre les ennemis couuroit ſa violence,
Comm’il ſe voit dehors à ſi peu de compas,
Qu’il demande tout haut, que le ſort fauorable
Lui face rencontrer vn amy ſecourable,
Qui touché de pitié luy donne le trépas.

   En ce piteux eſtat il n’a rien de fidelle,
Que ſa main qui le guide ou l’orage l’appelle,
Ses pieds comme ſes yeux ont perdu la vigueur :
Il a de tout conſeil ſon ame depourueue,
Et dit en ſoupirant que la nuit de ſa veue
Ne l’empeſche pas tant que la nuit de ſon cueur.

   Sa vie auparauant ſi cherement gardee,
Luy ſemble trop long temps icy bas retardee,
C’eſt elle qui le faſche, & le fait conſumer :
Il la nomme pariure, il la nomme cruelle,
Et touſiours ſe plaignant que ſa faute vient d’elle,
Il n’en veut faire compte, & ne la peut aymer.

   Va, laiße moy, dit il, va deſloyalle vie,
Si de te retenir autresfois i’euz enuie,
Et ſi i’ay deſiré que tu fuſſes chez moy :
Puis que tu m’as eſté ſi mauuaiſe compaigne,
Ton infidelle foy maintenant ie deſdaigne,
Quitte moy, ie te quitte, & ne veux plus de toy.