est rebelle. Manor et mirror pour manoir et miroir, parlour pour parloir, où il s’agit de terminaisons, trouvent une place tout exceptionnelle au nombre de ces exemples. Mais c’est devant ce qu’on appelle à juste titre Voyelles Nasales, que se montre nécessairement l’embarras de l’Anglais, qui jamais ne nasalise. Un tel jeu de la voix inconnu d’une phonétique, n’y a-t-il pas un moyen bien simple à elle d’en éviter l’émission : c’est de le décomposer ? EN ou EM, le son existe, décomposé dans l’Anglais; et de deux choses l’une : ou cette langue le prononcera suivant son mode, ex. to enter (enn.„) entrer, hemp (emm...) chanvre; ou, dans les terminaisons, elle l’assourdira, ne laissant de valeur presque qu’à la consonne. Ainsi pour IN ou ZAZ qui, par la sonorité même de l’Anglais, donne dans le corps des mots une syllabe que nous prononcerions à la latine, et, en terminaisons, se développe à la faveur d’un E muet; ex. engin, engine; magasin, magazine; tambourin, tambourine; utérin, uterine; tandis que parfois origine s’abrégera en origin et terrine s’allongera en tureen. Une des singularités qui s’attachent encore à ces sons nasals, c’est l’interpolation des voyelles : pourquoi cendre fait-il cinder, et frange fringe, et banc bench, rampart rempart : atténuation presque régulière de l’éclat vocal alors que s’évanouit la stabilité, neutre et grave, que lui confère une M ou une N. Rien de plus anglais que ce son UN, dont l’émission garde quelque chose de notre nasalisme tout en détachant très nettement Y N : empruntez aux tables des Familles ou des Mots Isolés saxons bun, un beignet; to run, courir; SUN, le soleil. Toutefois, ce fait singulier a lieu que notre UN ne revêt presque point la forme équivalente anglaise, qui paraît prête à le recevoir; et se déforme, dans commun en ON, common, dans brun en OWN, brown, dans parfum en U prononcé iou à la faveur d’un E muet perfume. Régulièrement, avec des ressources parallèles trouvées dans son propre fonds, ou comme par le hasard de nuances diverses, l’Anglais vient à bout de trois d’entre les cinq voyelles nasales, mais hésite à prendre avec les deux autres semblable liberté. AN et ON, ces sons si particulièrement français, lui semblent, en effet, deux agrégats que rien ne peut imiter. AN, n’est-ce pas, cependant, un son (et que dis-je ? un mot) anglais; ON aussi : et pas d’opération plus simple à première vue que de prononcer tout bonnement comme chez soi. Non; une certaine fixité spéciale apparaît ici, toute à mobiliser, l’A et l’N, 1’0 et l’N semblant comme se disjoindre avec peine pour se radapter aussitôt. Un U s’intercalera et déjà nous n’avons plus de voyelles nasales; mais ces diphthongues nasales, moins homogènes, moins
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