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Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1069

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suite que lorsque le nombre de Mots Saxons ou Germaniques ne monte qu’à 13.000 et quelques cents Mots, le Vocabulaire Classique (et Français) en compte de 29 à 30.000 : chiffres qui ne prouvent pas davantage en la faveur du Classique et Français que contre le Saxon ou Germanique; car l’importance des Vocables dans la Langue mieux que le nombre peut faire pencher, différemment d’un côté ou de l’autre, la balance. Juste notion que celle du plus ou moins de valeur attribuable à telle ou telle série des Mots ; peut-être qu’il sied de chercher de quelle lignée procéderont, rangés d’après la classification du Discours habituelle, les termes prépondérants; or, point : substantifs et verbes, ainsi que leurs acolytes, adjectifs et adverbes, se retrouvant, ici, là, en s’y distribuant presque également. Par exemple, l’article, le pronom, la préposition employée isolément (c’est-à-dire pas en affixes) la conjonction et la précieuse interjection, geste spontané de l’organisme vocal de la race, sont Gothiques : très bien, mais, de cela même que ces Mots servent d’articulation au parler ou de pivots, ils demeurent, d’autre part, toujours plus ou moins cachés à l’esprit qui les sous-entend, ainsi que l’atteste jusqu’à leur brièveté. Etc. Quelqu’un va plus loin et demande : L’Anglais, riche du double élément qui préside à la formation de ses Mots, est-il une langue Gothique plutôt qu’une langue Classique (à travers le Français) : ce que ne peut résoudre un oui, non plus qu’un non. Le point de vue où l’on se place, tout en dépend; or, il est multiple et c’est même une succession de points de vue, se reliant entre eux, qui peut, seule, vous faire une conviction à cet égard. La Littérature d’un peuple, à une époque où le parler de tous les états sociaux est fixé par l’écriture, satisfait pleinement ou abondamment, dans les traités abstraits de la politique ou de la religion, dans les esquisses prises par le romancier ou le dramaturge sur le vif des mœurs intimes et publiques, ou dans la poésie aux cent nuances, tous les desiderata qu’implique l’idiome. Chacun de ces genres, en effet, se taille dans la langue, pour vêtir quelque idée maîtresse, une trame variée : ici comme transparente et recherchant les tons neutres, voile presque pareil à la pensée elle-même; là plus riche d’un éclat familier, émaillé, bariolé, multiple comme la vie. Divergence qui se montrerait presque tout de suite, extérieurement et de l’œil, dans deux morceaux (pour revenir à mon dessein de tout à l’heure) ; un emprunté à la Science, où l’on peut souligner, comme des exceptions, les Mots d’origine Gothique ou de terroir; un à la Littérature proprement dite, où les rares, c’est ceux d’afflux Classique. Vous attacherez-vous de préférence à l’opinion reçue, qui