Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1071

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propres à conduire la réflexion aux limites de ce Sujet ; là où s’égare un peu tout savoir. Auparavant, définir ce point : Le Présent de la Langue. Aujourd’hui, où en est l’Anglais ? mieux, ce langage se trouve-t-il irrévocablement fixé ? Pareille solution nécessite mainte connaissance, de celles qu’on tient déjà et quelques-unes de l’avenir, interdit : la trouver, comment ? en repliant sa pensée sur tout ce qui a été dit. L’Europe politique (nul n’ignore quelle influence exerce sur la destinée de leur idiome le cours de l’existence des peuples) a deux sortes de langues : mères, si l’on veut; et filles. Mère, le Latin l’était, le Grec; et c’est encore, par exemple, l’Allemand (qui a bien passé par des phases d’enfance et de jeunesse avant sa maturité, mais n’a point changé de personnalité) puis le Russe, idiomes germanique et slave : quant aux langues Néo-latines, comme l’Italien, l’Espagnol, et avant tout le Français, elles figurent les filles. A la dernière catégorie appartient l’Anglais, contemporain du Français, par sa naissance et par sa croissance. Que moins que celles-ci doivent vivre celles-là toujours pareilles à elles-mêmes et stagnantes, on ne peut l’affirmer; car un autre point de vue consisterait à dire que le levain étrange porté en soi est fait pour conserver : à savoir, pour nous ou nos sœurs, la corruption et la mort du Latin, et chez l’Anglais la vitalité issue d’un croisement classique. Certains matériaux, demeurant éternellement primitifs, gardent, avec cette monotone jeunesse, l’inertie; et ce n’est qu’une opinion à moi propre que j’exprime en disant : L’Elément Germanique, abondant et naturel, demeure surtout un admirable ingrédient pour le mélange. Trêve de considérations nuageuses : L’Anglais est-il fixé (c’était toute la question posée au début) ? oui, quant à son orthographe ou quant à sa prononciation; et rien d’absolu cependant, car voici la mode, plus haut constatée d’écrire, parmi les Américains, — or pour — our en finale d’un Mot à nous pris ou au Latin, etc. Maintenant inaltérable et jusqu’à sa nécessaire décrépitude, tel l’Anglais : il en est au même point que le Français qui, lui, reçoit simplement du dehors (notamment du langage ici étudié), quelques Mots nouveaux, comme flirter, ou même stopper. La vraie particularité qui différencie les deux parlera, presque nulle chez nous, si remarquable à eôté, reste la Composition à tout instant de Mots. Cela a diverses causes: nos Suffixes ne nous sont parvenus qu’à travers le Latin et sans valeur propre, contrairement à ceux Anglais; et pour la juxtaposition entre eux de Vocables, si fort de mise en Grec, le Latin la montre à un faible degré et nous l’a léguée moindre. Qualité toute germanique, celle-là, mais trop prépondérante en Allemand, par exemple, pour n’y point