Aller au contenu

Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1329

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’aider le couple infortuné à trouver de l'ouvrage; ils convinrent que la première chose à faire était de fournir à tous deux des habits. « Je sais ce que je ferai! » s’exclama Madame Plaisant ayant observé pendant quelque temps le plafond, comme si elle croyait qu’il dût lui inspirer une idée. « J’irai faire un tour à la Grand’Maison, et demanderai à voir Sa Seigneurie la Duchesse en personne. C’est une femme vraiment charitable, et, quand je lui relaterai les faits, bien sûr qu’elle donnera à ces infortunés quelque chose de plus décent à porter. Je pars. » « Monsieur Bon-Secours serra très fort la main de l’excellente femme, comme si ç’avait été un service personnel qu’elle lui rendit; et, en revenant de ses affaires, fut étonné autant que réjoui de voir quel changement avait accompli son hôtesse. 11 trouva à ses visiteurs l'air respectable de ceux qui ont chaud, dans les habits que l’active ménagère avait obtenus pour eux de la grande dame du voisinage. Catherine, assise auprès du feu, cousait laborieusement, le sourire illuminant son visage. Thomas était tout affairé à raccommoder la machine à coudre de Madame Plaisant, laquelle était aussi à l’ouvrage sur sa chaise, radieuse de contentement. Le bébé jouait sur le tapis du feu, étendant ses membres mignons au réconfort d’une chaleur jusqu’alors inconnue chez eux. « Aussi, à son entrée dans la chambre, Monsieur Bon-Secours fixa les yeux sur tant de gens ravis et sentant le bonheur, son cœur gonflé de reconnaissance pour vous. Reine Bonté, qui m’avez permis de visiter Terre-Libre et d’émouvoir la pitié de cet homme, au point de lui permettre d’arracher ces pauvres êtres à une mort certaine. L’œuvre que le digne personnage et sa bienfaisante hôtesse avaient si excellemment commencée fut couronnée d’un heureux succès. Thomas et Catherine eurent vite de l’ouvrage; lui ne fut pas long à acquérir assez de force pour reprendre son métier, où il gagnait suffisamment pour louer la chambre, vrai port de relâche après tant d’orages. On avait excité l’intérêt en faveur de ce ménage, qui trouva plusieurs bons amis pour l’aider jusqu’à ce qu’il lui fût possible d’être indépendant. Alors nos époux ne manquèrent pas de montrer combien était sincère leur reconnaissance; et firent, par mille paroles, goûter aux gens de bien, leurs sauveurs, quel délice c’est que répandre autour de soi le bonheur. » — « Merci de votre histoire, Charité, dit la Reine des Fées ; rien de plus intéressant. Je vois que la Fée Justice a hâte de nous faire son récit, mais je crains aussi que notre petite Princesse ne soit par trop fatiguée. Sa joue est rouge