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Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1460

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« Le succès dépassa, comme on dit, mes espérances les plus hyperboréennes. On me fit compliment sur la manière dont je jouais du tambour, et, par modestie, je déclarai que les vers étaient de moi, mais que les roulements m’étaient envoyés, notés, par vous. Alors, vous obtîntes votre part de gloire et justice fut faite. Ma cuisinière seule, âme d’élite, s’est retirée, pensive. Je tremble qu’elle n’ait découvert mon innocente supercherie. « Ma famille m’a étonné toutefois, — et je lui dois un éloge : elle a presque compris le mot « carreaux » qui se trouve dans vos vers : — l’un de ses membres m’a demandé s’il n’était pas question « là-dedans » d’une allusion au fameux huit de carreau à l’aide duquel nous avions fait un schleem la veille, au wisth (r/r). « Vous voyez, mon eher Mallarmé, qu’un mieux sensible s’est déclaré dans l’harmonie intellectuelle du public... » Dans une lettre à Mme Le Josne, l’amie de Baudelaire et la cousine d’Henri Cazalis, lettre datée Tournon, 8 février 1866, Mallarmé, en lui envoyant plusieurs poëmes, disait de celui-ci : « ... le troisième [évoque] la tristesse du Poëte devant l’enfant de sa Nuit, le poëme de sa veillée illuminée, quand l’aube, méchante, le montre funèbre et sans vie : il le porte à la femme qui le vivifiera ! » Le poëte provençal n’ayant pas acquiescé au désir de Mallarmé de voir détruire la première copie de ce poëme, le manuscrit Aubanel (coll. H. M.) les renferme toutes deux. Voici en quoi elles diffèrent du texte définitif. LE JOUR Je t’apporte l’enfant d’une nuit d’Idumée ! Pâle, à l’aile saignante et noire, déplumée, Par le verre enrichi de grands parfums et d’or, Par les carreaux battus, hclas ! mornes encor L’aurore s’acharna sur ma lampe angélique Uaurore se jeta sur ma lampe angélique (Poëme Noct.) Palmes ! et quand elle a délaissé sa relique. A ce père essayant un sourire ennemi, A ce père rêvant un sourire ennemi, (Pocme Noct.) La solitude bleue et stérile a gémi. (Poëme Noct.) O la berceuse avec sa fille et l’innocence De vos pieds froids, endors une triste naissance, De vos pieds froids, accueille une triste naissance (Pocme Noct.) Et ta voix rappelant viole et clavecin Scion le doigt fané presseras-tu le sein (Poëme Noct.) Par où coule en blancheur sybilline la femme Pour des lèvres que l’air de vierge azur affame ? Parmi les matériaux réunis par l’auteur en vue de l’édition Deman des Poésies, figure une copie manuscrite de ce poëme