Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1462

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P. 41. HÉRODIADE I. Scène (Tournon : octobre 1864; Besançon, septembre 1867.) Il ne peut y avoir de doute sur l’époque à laquelle Stéphane Mallarmé commença à élaborer l’un de ses ouvrages les plus importants : elle nous est précisée par une lettre qu’il adressa à Henri Cazalis en octobre 1864 : « Pour moi, me voiei résolument à l’œuvre. J’ai enfin commencé mon Hérodiade. Avec terreur car j’invente une langue qui doit nécessairement jaillir d’une poétique très nouvelle, que je pourrais définir en ces deux mots : Peindre non la chose, mais l'effet qu’elle produit. Le vers ne doit donc pas, là, se composer de mots, mais d’intentions, et toutes les paroles s’effacer devant les sensations... Je veux, — pour la première fois, — réussir. Je ne toucherais plus jamais une plume si j’étais terrasse. » C’est au cours des mois précédents que la pensée du poëte se fixa définitivement sur ce sujet. Il avait, en septembre, passé une semaine avec son ami Eugène Lefébure, ehez le grand-père maternel de cclui-ci, à Boisramart, dans l’Yonne, et ce dut d’abord être là que Mallarmé s’ouvrit de son dessein. De Charny, le 14 novembre suivant, Lefébure lui écrivait : « Je suis heureux d’apprendre que vous avez eu le courage de reprendre Hérodiade. Que je voudrais la voir telle que je la rêve, et que je sais que vous la ferez, tableau profond noyé de rougeurs. » Il en avait aussi parlé, en septembre, pendant son séjour à Paris, à Emmanuel des Essarts, car celui-ci, le 12 octobre [1864] lui écrivait d’Avignon : « ... qu’à ma venue tu me lises des vers d’Hiérodiade et tout sera transfiguré. » A ce moment, la naissance de sa fille Geneviève, le 19 novembre 1864, vint troubler le travail d’incubation d’un sujet qui lui était apparu tout d’abord sous la forme d’une œuvre dramatique et scénique. Le 30 décembre 1864, Lefébure lui demande : « Et vous, cher père de famille, comment se portent vos deux filles ? Hérodiade est-elle toujours effarouchée du voisinage de sa sœur ? Ont-elles grandi l’une et l’autre ? J’ai en ce moment, sous la main, une tragédie latine d’Hérodiade, contemporaine de Shakespeare et composée par un Anglais (Buchanan) pour le collège de Bordeaux. Le sujet, naturellement, n’a aucun rapport avee le vôtre, et il est traité avec le ton emphatique que prennent, dans Hamlet, le roi et la reine de comédie. » En mars 1865, le poète donne des nouvelles de son travail à Cazalis : « Je travaille depuis une semaine. Je me suis mis sérieusement à ma tragédie d’Hérodiade... moi, stérile et crépusculaire, j’ai pris un sujet effrayant, dont les sensations, quand elles sont vives, sont amenées jusqu’à l’atrocité, et, si elles flottent, ont l’attitude