Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1465

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de vingt-deux vers, tournant sur un seul verbe, et encore très effacé la seule fois qu’il se présente. Pourtant elle sortira, la Reine ! de toutes ces tristesses, mais quand ? » Tout l’hiver, son ami Lefébure s’est enquis de l’avancement A’Hérodiade. « Je ne vous parle pas de mon voyage, qui m’a charmé, de crainte de lancer mes lourdes impressions à travers Hérodiade, comme un tas de pierres dans un palais de cristaux et de filigranes. » (24 décembre 1865.) Il rêve de « retrouver dans d’autres âmes des secours et un palais, avec ce théâtre où l’on pourrait jouer Hérodiade devant un parterre d’anges » (29 janvier 1866). « Surtout apportez un peu d’Hérodiade » (24 mars 1866). « Cazalis sc plaint de ne pas savoir ce que vous devenez. Je l’ignore aussi un peu, car je vous vois dépris A’Hérodiade sans vous savoir occupé d’autre chose » (29 avril 1866). Et un peu plus tard : « Ne gardez pas tous vos diamants pour Hérodiade, et laissez-vous aller à jeter de temps en temps à la poste quelques-unes de ccs perles que sont vos lettres » (5 septembre 1866). A la fin de l’été 1866, Mallarmé est assez soudainement transféré de Tournon au lycée de Besançon et Lefébure continue à l’encourager à poursuivre son poëme : « Je hâte du désir la création de l’appartement symbolique où naîtra Hérodiade dans la pourpre de vos rêves » (20 décembre 1866) et quelques jours après : « Qu’il vous soit donné cet hiver de tirer Hérodiade du bloc de rêves où s’ébauche sa magnificence solitaire et froide. » Mais le transfert de Tournon à Besançon, l’état de santé du poëte, la violente crise intellectuelle qu’il traverse alors ralentissent l’élaboration A'Hérodiade, puis l’interrompent meme, et l’on peut dire definitivement, car à cette époque VOnvertnre et la Scène que nous connaissons sont indubitablement écrites, à quelques corrections près, peut-être. Après l’année passée à Besançon, lorsque Mallarmé est nommé professeur d’anglais au lycée d’Avignon, on ne le voit plus guère occupé A'Hérodiade. Dans une lettre datée de Charny (Yonne), 15 juillet 1868, Eugène Lefébure disait à Mallarmé : « J’ai donc vu Bonaparte-Wyse à l’Hôtel du Louvre, j’ai copié avec bonheur dans son album au milieu d’un fatras de vers en patois, un fragment d’une ancienne étude scénique A’Hérodiade qui m’a ravi. » M. le Dr Maurice Lefébure nous a aimablement communiqué cette copie qui donne d’un passage du poëme une version primitive un peu différente et comportant des indications d’expression scénique qui ont disparu du texte donné dans le Parnasse Contemporain.