Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1547

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et la Cravache dirigée par Georges Lecomte publia, dans son numéro du samedi 22 septembre 1888, un bref article intitulé Poe et M. Mallarmé où Félix Fénéon disait : « M. Mallarmé a capté la prismatique magie du vers original. Seules marques de sa collaboration : un certain caractère hiératique et une musique plus grave, dans sa prose. » Cette publication eut pour effet de faire sortir de sa torpeur l’éditeur Léon Vanicr. Les relations de Mallarmé avec cet éditeur remontaient, — d’après les lettres qui ont passé entre nos mains, — au milieu de 1885 : consécutives, probablement, à la publication chez cet éditeur des Poètes Maudits de Paul Verlaine et — par le truchement de celui-ci — à son intention de publier, dans la série des Hommes d'aujourd'hui, un Stéphane Mallarmé. Au début de 1886, Mallarmé avait préparé pour Vanier les éléments d’un volume intitulé Poèmes d'Edgar Poe. Le 20 mars, il lui écrivait : « Je vais m’occuper de l’autographe de Poe, Ingram étant justement à Paris. » En mai, il réclamait les épreuves des Poèmes de Poe. Mais Vanier tardait à satisfaire le poëte. Lassé de ces atermoiements, Mallarmé avait autorisé la Revue Indépendante à publier une édition courante de l'Après-Midi d’un Faune. Vanier, comme cela se conçoit, en montra de l’humeur. Apprenant l’accord passé entre le poëte et Deman pour les Poëmes d’Edgar Poe, il s’irrita. Le 30 août 1887, Mallarmé lui écrivait : « 11 n’est pas question de l’édition dite de luxe, laquelle vous reste acquise et sera faite ou non à votre gré, mais pour parer au dommage que me cause votre retard (tantôt deux ans) d’une édition courante qui m’est demandée des Poëmes de Poe. « Format et prix autres que pour le tirage de huit cents exemplaires à vous concédé, c’est évident et rien de commun entre leur publication et celle en pourparlers, qui est indépendante. 11 n’y a lieu à aucun rachat. » Le différend s’envenima et fut même porté devant la justice de Paix du Ve arrondissement, le mardi 1$ novembre 1887. Mallarmé n’en montra, on l’a vu, que plus de hâte à voir paraître l’édition faite par Deman. Vanier ne renonça pas à la sienne qui devait contenir, et contint en effet, la reproduction des illustrations faites par Manet pour la grande édition du Corbeau. Au milieu de 1888, les rapports avaient repris entre Mallarmé et Vanier, comme l’atteste une lettre datée du 11 juillet, où le poëte réclame à l’éditeur les épreuves de toute l’illustration qu’il veut soumettre à la famille Manet, et « le dessin original pour la Cité dans la mer ». Cette édition devait comporter, en effet, outre les dessins du Corbeau une illustration pour Annabel Eee et une autre pour la Cité en la mer. L’entente entre Mallarmé et scs éditeurs dut aboutir à un chassé-croisé entre ceux-ci car, en dépit du contenu de la lettre citée plus