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Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1603

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trouver une atmosphère propre à son développement. Je l’appellerai la sympathie avec la Nuit, la complaisance au malheur, l’amere communion entre les ténèbres et cette infortune d’être un homme. « Tous les thèmes, toutes les idées, toutes les images, tous les accessoires, que nous retrouvons poussés avec détail et travaillés du dehors dans Y Album de prose et de vers, îes voici à l’état d’idées et de croquis l’un sur l’autre repris et répétés dans le carnet d’esquisses, encore engagés avec l’âme. La lampe, la glace, la console, les rideaux, l’horloge, la bibliothèque, les dés... Tout le mobilier étoffé et étouffant de l’ère victorienne (aussi la suspension à gaz avec son petit sifflement si bien décrite et recommandée dans l’un des numéros de la Dernière Mode), où un nouveau rêveur, le cigare aux doigts, vient de succéder à celui du Corbeau. Au dehors il n’y a que la nuit sans espérance. » Et plus loin : « Il est remarquable que la carrière de ce prince de la moderne Elseneur ne se soit achevée que quand il eut repris et développé le geste suprême d’Igitur, ce coup de dés jeté dans la nuit, et en somme un peu pareil au pari de Pascal, cette magnificence du grand seigneur qui jette sa bourse, cette abdication du mage qui n’attend plus rien de la science et de l’art (en un mot du chiffre), cette connaissance que le contingent n’arrivera jamais à faire de l’absolu et à réaliser autre chose qu’une combinaison précaire et dès lors frivole. » M. Jean Roycre dans son Mallarmé (1 vol., Messein, Paris, 1931) a donné (pp. 172-177) une analyse <Y Igitur. UN COUP DH DÉS JAMAIS N’ABOLIRA LÉ HASARD (Paris, 1897). Cette dernière des œuvres en prose de Stéphane Mallarmé et, assurément, l’une des plus singulières, parut d’abord dans le numéro de mai 1897 de la revue internationale Cosmopolis. Elle ne fut publiée isolément que, longtemps après la mort de son auteur, en 1914, aux éditions de la Nouvelle Revue Française, par les soins du gendre du poëte, le docteur Edmond Bonniot. Nous possédons quelques précieux éclaircissement historiques sur cct ouvrage, dans un chapitre du volume de M. Paul Valéry : 1’ariéfé II (N. R. F., Paris, 1929, pp. 169-175). Dans ce chapitre, intitulé Z? Coup de Dés, M. Paul Valéry dit : « Je crois bien que je suis le premier homme qui ait vu cet ouvrage extraordinaire. A peine l’cut-il achevé, Mallarmé me pria de venir chez lui; il m’introduisit dans sa chambre de la rue de Rome où derrière une antique" tapisserie reposèrent jusqu’à sa mort, signal par lui donné de leur destruction, les paquets de scs notes. Sur sa table de bois très sombre, carrée, aux jambes torses,