C’est alors qu’il prit le parti d’attaquer le public en personne et d’exposer lui-même quelques-unes de ses idées sur l’art. C’est le 20 février 1885 qu’il donna à Londres sa lecture intitulée Ten O'Clock à cause de l’heure, — dix heures du soir, — où il la prononça. Le 24 mars il la répétait à Cambridge, le 30 avril à Oxford. Ce n’est que trois ans plus tard qu’il prit la décision de la faire imprimer, c’est-à-dire que l’édition anglaise et l’impression de la traduction française furent simultanées. Dès 1890, Mallarmé s’occupa de chercher pour Whistler un appartement ou un petit hôtel à Paris, mais ce n’est qu’à partir de 1892 qu’il le vit s’y fixer définitivement : il s’était marié en 1888 avec une Anglaise, veuve de l’architecte Goodwin, et ils s’installèrent 11 o, rue du Bac. C’est là qu’au cours des années suivantes, Mallarmé leur rendit de très fréquentes visites, là qu’en 1892 il posa pour l’admirable et si véridique lithographie qui servit de frontispice au recueil Vers et Prose. Whistler ne cessa presque pas d’y résider jusqu’un peu après la mort de sa femme (1896). En 1898, il retourna habiter Londres où il devait mourir le 17 juillet 1903. On lira avec intérêt, sur le grand peintre américain, l’ouvrage de Théodore Duret : Histoire de J. Ale N. Whistler et de son œuvre (Paris. IL Floury, 1904). Nous renvoyons également le lecteur à la note relative au billet à Whistler (Notes, p. 1478.) D’une assez volumineuse liasse de lettres de Whistler que nous avons examinée grâce à une cousine du peintre, lettres écrites en français, dont aucune n’est datée ni signée autrement que du papillon habituel à son œuvre et à sa correspondance, on peut retenir, pour les années 1889 à 1898, en premier lieu la très vive sympathie du peintre, qui ne la prodiguait pas, pour le poëte, envers qui il multiplie les expressions gracieuses : « Comment vous remercier ! Inutile... vous continuerez à être charmant malgré tout abus de votre amabilité »; l’intérêt qu’il prend à Pieuvre littéraire de Mallarmé; la part que prit Whistler à la demande d’articles de Mallarmé par The National Observer, dont s’occupait alors William Ernest Henley; celle que prit Mallarmé à l’achat par l’État français du Portrait de nia Alère de Whistler. Lorsqu’à partir de 1892 Whistler s’installe à Paris, 110, rue du Bac, les visites échangées par les deux artistes sont très fréquentes et c’est le moment où Whistler fait l’admirable lithographie, représentant Mallarmé qui orna le recueil I rrr et Prose ; on vit fréquemment Whistler aux mardis de la rue de Rome où la vivacité du peintre et le plaisir visible que Mallarmé éprouvait de sa présence faisaient sensation parmi les jeunes disciples. Peu après la mort de sa femme, à Paris, Whistler écrivait à Mallarmé ce billet qui donnera la mesure de leur affection réciproque : « (1897). Mallarmé, mon ami, êtes-vous à Paris ? Vous, je vou-