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Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1644

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« La traduction de ce poëme fut jadis imprimée dans le légendaire journal la Dernière Mode (n° du 18 oetobre 1874) que M. Mallarmé rédigeait seul, typographiait presque matériellement seul. Le maître, en nous la laissant reproduire, a voulu, toujours si soigneux artiste, revoir et retoucher son travail d’alors. Attrait même pour qui connaîtrait ces strophes, — mais hormis une, la dernière, citée en un récent article de la Rente Indépendante (février), e’est bien vraiment de la littérature inédite. — R. G. » Cette traduction qui suivit de peu celles que Stéphane Mallarmé donna des poëmes d’Edgar Poe, le montre comme un traducteur assez incertain, même après la révision de 1890. Il est probable que cette publication dans la Dernière Mode répondit à la pressante obligation de remplir une lacune dans un numéro et fut le résultat d’un travail hâtif. L’attention de Mallarmé fut attirée de longue date sur Tennyson, ne fût-ce que par cette remarque de son ami Eugène Lefébure dans une lettre du 25 juin 1862 : « J’ai remarqué une ressemblance curieuse entre votre portrait et celui de Tennyson, le doux Tennyson, dont la poésie, je crois, est un peu le contraire de la vôtre. Seulement il est beaucoup plus frisé que vous. » Ce n’est pas le seul des poëmes de Tennyson que traduisit Mallarmé, encore que ce soit le seul dont il publia la traduction. Une correspondance en témoigne, échangée en 1884, avec le beau-fils de Théodore de Banville, Georges Rochegrosse. Une lettre de celui-ci, alors tout jeune homme, à la date du 10 juin 1884 et adressée à Mallarmé contient ce passage : « Attendu par le train, je me décide tout à coup à venir vous ennuyer. C’est toujours au sujet de la douce lady Godiva. Malgré mes efforts, je sens de jour en jour s’effacer de ma mémoire la délicieuse traduction orale, hélas ! du poëme de Tennyson. Oserais-je vous demander de consacrer un moment de loisir à m’en écrire une nouvelle ? Si ma demande est indiscrète, considérez-la, je vous en supplie, comme non avenue... » Loin de trouver indiscrète cette demande, Mallarmé s’empressa d’y répondre en envoyant la traduction du poëme de Tennyson, à la villa Banville, près Lucenay-les-Aix (Nièvre) où, en l’absence de son beau-fils et selon ses instructions, Théodore de Banville ouvrit la lettre et y répondait le dimanche 15 juin 1884 : « Votre traduction de Godiva est un véritable chef-d’œuvre et cette fois je puis en juger, car j’ai lu tant de fois ce poëme avec mon regretté ami Philoxène [Boyer] que tous les mots, pour ainsi dire, m’en sont familiers. C’est Tennyson lui-même dans sa pensée et dans sa moelle. » A cette époque, Rochegrosse eut peut-être la pensée de peindre l’épisode eélèbre de la vie de la comtesse de Chester, mais c’est son maître, Jules Lefebvre, qui en fit six ans plus tard, le sujet