Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/218

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Des mimes avec la forme du Dieu d’en haut chuchotent et marmottent bas, et se jettent ici ou là — pures marionnettes qui vont et viennent au commandement de vastes choses informes, lesquelles transportent la scène de côté et d’autre, secouant de leurs ailes de Condor l’invisible Malheur. Ce drame bigarré — oh ! pour sûr, on ne l’oubliera ! avec son Fantôme à jamais pourchassé par une foule qui ne le saisit pas, à travers un cercle qui revient toujours à une seule et même place; et beaucoup de Folie et plus de Péché et d’Horreur font l’âme de l’intrigue. Éteintes ! — éteintes sont les lumières — toutes éteintes ! et, par-dessus chaque forme frissonnante, le rideau, drap mortuaire, descend avec un fracas de tempête, et les anges, pallides tous et blêmes, se levant, se dévoilant, affirment que la pièce est la tragédie UHomme : et son héros, le Ver Vainqueur. Mais voyez, parmi la cohue des mimes, faire intrusion une forme rampante ! quelque chose de rouge sang qui sort en se tordant, de la solitude scénique ! Se tordant, — se tordant, avec de mortelles angoisses, — les mimes deviennent sa proie et les séraphins sanglotent de ces dents d’un ver imbues de la pourpre humaine. ULALUME Les cieux, ils étaient de cendres et graves; les feuilles, elles étaient crispées et mornes — les feuilles, elles étaient périssables et mornes. C’était nuit en le solitaire Octobre de ma plus immémoriale année. C’était fort près de l’obscur lac d’Auber, dans la brumeuse moyenne région de Weir — c’était là, près de l’humide marais d’Auber, dans le bois hanté par les goules de Weir. Ici, une fois, à travers une allée titanique de cyprès j’errais avec mon âme; — une allée de cyprès avec Psyché, mon âme. C’était aux jours où mon cœur était