Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/232

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Car voici que, tout en gisant dans sa quiétude, il imagine une odeur plus sainte, alentour, de violettes — une odeur de romarin, entremêlé avec les violettes — avec de la rue et les belles violettes puritaines. 11 gît ainsi, heureusement, baigné — par maint songe de la constance et de la beauté d’Annie — noyé dans un bain des tresses d’Annie. Tendrement elle m’embrassa : affectueusement me caressa, et je tombai alors doucement pour dormir sur son sein — dormir profondément à cause des cieux de son sein. A l’extinction de la lumière, elle me couvrit chaudement et elle pria les anges de me garder de tout mal — la reine des anges de me parer de tout mal. Et je gis si posément, maintenant, dans mon lit (connaissant son amour) que vous vous imaginez ma mort — et je demeure si satisfait, maintenant, dans mon lit (avec son amour en mon sein) que vous vous imaginez ma mort, que vous frémissez de me regarder, me croyant mort. Mais pour mon cœur — il est plus brillant — que toutes les multiples étoiles du ciel — car il scintille par Annie — il s’allume à la lumière de l’amour de mon Annie — à la pensée de la lumière des yeux de mon Annie. SILENCE Il y a des entités — des choses incorporelles, ayant une double vie, laquelle a pour type cette dualité qui ressort de la matière et de la lumière, manifestée par l’ombre et la solidité. Il y a un silence à double face, — mer et rivage — corps et âme. L’un habite les endroits solitaires, nouvellement recouverts par l’herbe ; des grâces solennelles, des réminiscences humaines et une