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POEMES D’ENFANCE. ET DE JEUNESSE’ 7 SA FOSSE EST FERMÉE

11 Juillet 1859

« A notre maison blanche, où chante l’hirondelle » Dans un bois verdoyant, vous viendrez, » disait-elle » Nous cueillerons les Heurs que cachent les grands blés, » Le soleil qui les dore a fait mes pieds ailés, » Et le soir, au foyer où chaque cœur s’épanche, » Nous ferons pour ma mère une couronne blanche... » La fleur rit aux épis : l’alcyon chante encor, Elle seule a passé ! — sous un saule elle dort. Albion ! Albion ! vieux roc que bat l’écume, Devais-tu donc lui faire un linceul de ta brume ! On ne savait donc pas que sous ton sombre ciel Le soir où dort la fleur est un soir éternel, Et qu’au lieu de rosée, aux reflets de l’aurore, Des pleurs inondent seuls son calice incolore ! Non !... son père l’aimait, vieillard à qui les ans N’ont point ravi l’amour pour prix des cheveux blancs, Et l’amour, comme on sait, est sœur de l’espérance. 11 disait plein d’espoir : « Dieu, que le ciel encense Ne peut pas envier l’ange de notre toit. » Car le soir, au foyer, quand son timide doigt Dans la bible aux clous d’or, où prièrent ses pères, Faisait épeler « Ruth » à ses deux jeunes frères, Le soir, on eût pensé qu’un ange voyageur, Comme ceux qu’il voyait au livre du Seigneur, Sous leur tente venait révéler ses purs charmes, Et bénir la famille, et sécher quelques larmes, Et porter aux enfants un baiser du Très-Haut ! Que vont-ils devenir, hélas ! loin de son aile Sous laquelle, en volant du foyer, l’étincelle Brillait comme une étoile, et rappelait les cieux ! A Noël quanti vibrait son chant mélodieux, Un silence pieux planait sur chaque tête : Seule la mère, au soir, songeant à l’autre fête, MALLARMÉ