Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/37

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Tes genoux qu’ont durcis les oraisons rêveuses,
Je les baise, et tes pieds qui calmeraient la mer.
Je veux plonger ma tête en tes cuisses nerveuses
Et pleurer mon erreur sous ton cilice amer :

Là, ma sainte, enivré de parfums extatiques,
Dans l’oubli du noir Gouffre et de l’infini cher,
Après avoir chanté tout bas de longs cantiques
J’endormirai mon mal sur votre fraîche chair.


GALANTERIE MACABRE

Dans un de ces faubourgs où vont des caravanes De chiffonniers se battre et baiser galamment Un vieux linge sentant la peau des courtisanes Et lapider les chats dans l’amour s’abîmant, J’allais comme eux : mon âme errait en un ciel terne Pareil à la lueur pleine de vague effroi Que sur les murs blêmis ébauche leur lanterne Dont le matin rougit la flamme, un jour de froid. Et je vis un tableau funèbrement grotesque Dont le rêve me hante encore, et que voici, Une femme, très jeune, une pauvresse, presque En gésine, était morte en un bouge noirci.

— Sans sacrements et comme un chien, — dit sa voisine. Un haillon noir y pend et pour larmes d’argent Montre le mur blafard par ses trous : la lésine Et l’encens rance vont dans ses plis voltigeant. Trois chaises attendent la bière : un cierge, à terre, Dont la cire a déjà pleuré plus d’un mort, puis Un chandelier, laissant sous son argent austère Rire le cuivre, et, sous la pluie, un brin de buis... Voilà. ■—■ Jusqu’ici rien : il est permis qu’on meure Pauvre, un jour qu’il fait sale, et qu’un enfant de chœur Ouvre son parapluie, et, sans qu’un chien vous pleure. Expédie au galop votre convoi moqueur.