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Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/447

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caractère de probabilité. Mallarmé, venu à Paris fin de 1865, y reçoit l'accueil le plus chaleureux notamment de I illier s et de Mende s à qui il avait, l'année précédente, montré ses premiers vers. Je ne puis résister au plaisir de citer un passage d'une lettre qu'il écrivait à sa femme restée à Tournon, le 28 Décembre 65, dans laquelle il en exprime naïvement sa joie : « ... J’ai eu à Paris l’accueil le plus cordial et le plus triomphant que tu puisses rêver pour un Poëte. Presque en mon honneur on organise un réveillon Dimanche soir, et Leconte de Lisle, qui le présidera, me presse tant que je ne puis sans ingratitude refuser... Je profiterai aussi de ce retard pour corriger les épreuves de mes vers. Grâce à Mendès qui les montre à tous un journal m’offre de les publier tous en un numéro, et, après cela de les tirer à part, en un petit livre —• à ses frais ! Quelle joie ! Es-tu contente ? tu vas avoir un petit volume de ton Stéphane. » Mais les succès n'entament pas la virginité de sa nature poétique, car il finit la même lettre par cette phrase : « Mon Dieu ! qu’il me tarde de reprendre ma bonne vie de solitude et de travail ! » On conçoit bien alors que, dans l'ivresse, l'exaltation de la jeunesse et de la réussite, il ait travaillé avec un entrain pour ainsi dire bachique, et qu'il ait produit la première ébauche du Vanne*. Pourtant il était déjà hanté de l'idée de Théâtre, mais de quel théâtre ? Ayant épuisé en ses poè'mes les effusions premières du lyrisme, du moins quant aux manifestations débordantes et de prime-saut de son esprit, il songea à la représentation scénique, dans son attitude mentale, du Héros, et cette essence lui apparut d'abord sous !a forme tassée et pure du mythe d’Hérodiade. Il délaissa donc momentanément le Vanne et creusa la vision intime de /'Être abstrait et définitif dans le moule d'Hérodiade. Mais soit que la légende présentât un type encore trop concret, soit impossibilité pour lui à ce moment d'y atteindre, il se contenta de mettre au jour, 1869, le fragment dialogué que l'on sait, qui n'était à ses yeux qu'une partie du Théâtre trop extériorisée et contingente. Il le laisse entendre plus tard, à l'autre bout de sa rie, dans un projet de Bibliographie qui devait suivre Hérodiade terminée :

  • Au témoignage de Madame Mallarmé, lequel n’est pas sans étonner, le Poëte travaillait au Faune avant Hérodiade. — Cf. aussi Heures de Mallarmé à Aubanel (Revue Universelle, /fir Novembre 1923.)