en deux dates, triomphale l’une, l’autre néfaste, où tient la figure idéale de l’homme, je veux dire l’arrivée de Philippe-Auguste Mathias comte de Villiers de l’Isle-Adam, à Paris, vers 1863; et cette fin, août 1889. II Nul, que je me rappelle, ne fut, par un vent d’illusion engouffré dans les plis visibles, tombant de son geste ouvert qui signifiait : « Me voici », avec une impulsion aussi véhémente et surnaturelle, poussé, que jadis cet adolescent; ou ne connut à ce moment de la jeunesse dans lequel fulgure le destin entier, non le sien, mais celui de l’Homme ! la scintillation mentale qui désigne le buste à jamais du diamant d’un ordre solitaire, ne serait-ce qu’en raison du regard abdiqué par la conscience des autres. Je ne sais pas mais je crois, en réveillant ces souvenirs de primes années, que vraiment l’arrivée fut extraordinaire, ou que nous étions bien fous ! les deux peut-être et me plais à l’affirmer. Il agitait aussi des drapeaux de victoire très anciens, ou futurs, ceux-là mêmes qui laissent de l’oubli des piliers choir leur flamme amortie brûlant encore : je jure que nous les vîmes. Ce qu’il voulait, ce survenu, en effet, je pense sérieusement que c’était : régner. Ne s’avisa-t-il pas, les gazettes indiquant la vacance d’un trône, celui de Grèce, incontinent d’y faire valoir ses droits, en vertu de suzerainetés ancestoriales, aux Tuileries : réponse qu’il repassât, le cas échéant, une minute auparavant on en avait disposé. La légende vraisemblable, ne fut jamais, par l’intéressé, démentie. Aussi ce candidat à toute majesté survivante, d’abord élut-il domicile, chez les poètes ; cette fois, décidé, il le disait, assagi, clairvoyant « avec l’ambition — d’ajouter à l’illustration de ma race la seule gloire vraiment noble de nos temps, celle d’un grand écrivain ». La devise est restée. Quel rapport pouvait-il y avoir, entre des marches doctes au souffle de chesnaies près le bruit de mer; ou que la solitude ramenée à soi-même sous le calme nobiliaire et provincial de quelque hôtel désert de l’antique Saint-Brieuc, se concentrât pour en surgir,
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