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Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/527

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Axel, froid, souriant et scandant nettement ses paroles. 1 'ivre ? Non. — Noire existence est remplie et sa coupe déborde ! Quel sablier comptera les heures de cette nuit ? L’avenir ?... S ara, crois-en cette parole : nous venons de répuiser. Toutes les réalités, demain, que seraient-elles, en comparaison des mirages que nous venons de vivre ? A quoi bon monnayer, à l'exemple des lâches humains, nos anciens frères, cette drachme d'or à l'effigie du rêve — obole du Styx— qui scintille entre nos mains triomphales ! La qualité de notre espoir ne nous permet plus la terre. Que demander, sinon de pâles reflets de tels instants, à cette misérable étoile, où s'attarde notre mélancolie ? La Terre dis-tu ? Qu'a-t-elle donc jamais réalisé, cette goutte de fange glacée, dont T Heure ne sait que mentir au milieu du ciel? C'est elle, ne le vois-tu pas, qui est devenue l'illusion ! Recon-nais-le, Sara : nous avons détruit dans nos étranges coeurs, l'amour de la vie — et c'est bien en Réalité que nous sommes devenus nos âmes ! Accepter désormais de vivre ne serait plus qu'un sacrilège envers nous-mème. l'ivre ? Les serviteurs feront cela pour nous. Je ferme, entr’ouverts le temps d’y mettre quelque signet magistral, aux coulantes pierreries comme d’incluses richesses d’ironie et de foi, Axel et l’Eve Future ; et coniîe à vos minutes d’élection ces tomes-là, dont un, à votre choix lequel, moi je ne sais, magnifie l’auteur qui à quelque crise de son talent l’a conçu; où la conjonction des deux facultés ennemies atteste une intelligence souveraine. Tout le rayon de bibliothèque, chez le lettré, qu’occupent les quelque vingt publications du conteur, se peut promptement dédoubler, en effet, selon cette indication, pour garder un langage défunt, de lyrisme et de satire, au fond, la poésie elle-même; et qu’exclusif peut-être en notre littérature, Villiers de l’Isle-Adam assembla. Les Contes Cruels proprement dits, dont j’extrais l’Annonciateur, formant avec Akëdysséril, un dyptique légendaire (beauté des phrases, ne me tentez pas) puis les Nouveaux Contes Cruels et d’autres sous les intitulés divers, Histoires insolites, l’Amour suprême, Che^ les Passants, indiquent une centaine environ de courts récits, juste le temps d’épuiser un état d’âme, opulent