Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/613

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plaçant des lotus en boutons dans la chevelure de la folle : qui osait se comparer à moi, pour une nuit qu’y avait dormi l’infidèle, captif de ces ténèbres parfumées mais vulgaires. Décidément, je consens à voir demain ce jeune homme, à la tombée de la nuit, sous le berceau d’asôkas situé, ainsi qu’un jet d’eau verdoyant, au centre du jardin des femmes. « Voilà, mon fils, ce qu’il me tardait de te dire. Ai-je eu tort d’affirmer à la reine que tu étais amoureux d’elle ? En la voyant, tu ne regretteras pas l’aventure. » — Non, assurément : à vingt ans et quand la jeunesse flambe, on ne fuit pas, devant la très belle Soundari. Si l’action est mauvaise séduire la femme d’autrui, ici le but la justifie : je veux briser les chaînes de mon père. Instruis-moi de ce qu’il faut faire pour pénétrer dans le gynécée. » La bonne nourrice ne tarit pas sur les précautions, expliquant minutieusement au prince la place occupée par chacun des officiers préposés à la surveillance des bosquets : comment il devait s’y prendre pour les éviter. Avant de pénétrer dans l’enceinte des jardins, il faudra sauter un fossé (qu’il prenne un bambou à cet usage), escalader un mur; et se diriger, à travers un labyrinthe, sans autre fil conducteur que le sourire souhaité de sa maîtresse, jusqu’au carrefour des sept allées, où règne le berceau d’asôkas. Oupahara attendait la fin du jour suivant. Les récits de la religieuse se présentèrent bien des fois à son imagination : même il se rappelait moins les prisonniers, sa famille languissant dans la prison, tout près, que cette reine impressionnable, à qui une union maudite avait, d’autant plus subtilement que l’en privant, appris ou comme fait deviner toute la délicieuse ivresse d’un amour partagé. Un rendez-vous, avec une reine, vaut pour le moins, qu’on attende. Oupahara, avant de détailler du regard, la retraite privilégiée d’une femme élégante et tout un exquis décor qui en contient déjà la présence, songeait, à part soi; reprenant haleine. Il se remémora vite comment à l’heure dite il avait approché le fossé qui sépare la demeure royale. Une tige de bambou lui servit de pont mobile