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Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/630

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et obsédante du cyprès gardien. Les innombrables marches conduisent à l’intérieur d’un dôme de marbre blanc fenestré de découpures, pareil à de la dentelle; pour qu’entre un jour subtil. Une lampe, jalouse, écarte jusqu’à cet éclat délicat, profane ou de dehors; et, astre suspendu, revendique la solitaire coupole. L’admiration inquiète de l’enfant reconnaît, dans cette splendeur, quelque trait bizarre et lugubre et que ce n’est pas là une habitation ordinaire; mais s’épuise à deviner le lieu qui l’accueille. Ses yeux accoutumés à la demi-obscurité qu’entretient pieusement une colonnade, magnifique, de brûle-parfums éteints, elle distingue, sous un dais de deuil, voiles hésitant ainsi qu’une fumée précieuse au plafond, flamme abolie de panaches, le corps étendu toujours du plus beau des hommes. Son sommeil, extasié et serein d’un Vischnou : tremblante, elle approche sur la pointe des pieds, le mieux considérer, sourit à ces yeux clos pour seul goûter le rêve, et qu’ombragent de noires boucles couvrant un front élevé et pur; tandis que rouges comme le fruit du vimba, de mâles lèvres attendent l’instant d’un baiser éternel. Malgré le poids princier de cercles d’or qui lie son poignet à quelque destin inconnu, oh ! soulever dans la sienne, cette main, ici inactive et retombée sur les riches broderies d’une couverture... L’enfant n’ose, ce n’est pas qu’elle ait peur, penchée encore sur ce visage de guerrier au repos; mais elle songe, tout à coup au trouble et au désordre de sa toilette, près de cet homme, de ce seigneur : et les veut réparer à l’écart. Une fatigue l’accable, elle lutte contre le sommeil, n’y veut choir, par pudeur plutôt qu’effroi, parallèlement à l’hôte de ce séjour. Elle attend, épie. Soudain une cloche de bronze approfondit du silence et, le masque ranimé, le héros se soulève lentement sur le lit de parade, en descend et marche, yeux ouverts, droit à la dalle; où s’est blottie l’ingénue. « Audacieuse, qui êtes-vous qui venez déranger les morts ? — Une pauvre fille abandonnée (elle n’entendit en la question que ce qui la concernait) et cherchant à s’abriter de l’orage : ne me chassez pas, je vous en supplie »; or la fugitive conte son histoire, entrecoupée de sanglots, sans omettre même les railleries de ses belles-sœurs au sujet de Tchandra-Rajah.