Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/629

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

démente épouvante, causée par l’immobile vie. L’enfant manque du loisir voulu pour examiner si c’est l’Acacia flamboyant, qui festonne, au hasard de ses grappes vermeilles, le Manguier déployant des rameaux comme un parasol, peint du calice empourpré des fleurs de l’Asôka; ni si le Figuier Religieux élève au ciel son haut cierge vert pâle, salué de l’cléphant, qui se promène à l’aise sous des arceaux de bambous. Personne et tout sanglot serait vain ou répercuté en rire par le chatoyant plumage des perroquets. L’infortunée lève en silence scs bras, dans une invocation à la déesse de la Fortune Lakshmi, dont elle porte le nom; puis défaille, sur les gazons. Là, du moins, se souvient-elle du riz ami; une racine de lotus complète le premier repas à peine fini que vient la nuit. Les rayons du soleil se refroidissent et des ombres légères, aussitôt, montent à l’horizon, voilà; sans que précède un crépuscule. La jungle s’enveloppe subitement. Ce coup de baguette d’une obscurité féerique et despotique donne le signal au mouvement épars, tout s’agite, et le bruit; déjà les cris plaintifs du chacal qui appelle au loin sa compagne; la toux rauque interrompt d’une panthère à Fallût, mais n’eflarouche, la roulade cadencée que se lancent à plein gosier, comme leur moquerie aux fauves, la sarika et le kokila, du haut d’un bambou. Le pas lourd des buffles en troupeau avance par les grandes herbes. Jamais chaleur aussi énervante, pénétrée des fortes senteurs que tout dégage à plaisir : une crise de pluie menace, odorante, orageuse. Un goulabi, le serpent des roses, mis en joie par l’approche des éclairs, les précède de son sifflement; bijou sinistre, passant sur la tunique de Lakshmi. Terrifiée, elle se lève, court, accroche son vêtement aux vasantis fleuries et s’arrache, pour fuir la pluie avec violence fouettant son visage. Une lumière, est-ce la foudre ? et l’errante défaille à la renverse, mais, de ses bras jetés devant, elle étreint un morne cyprès, planté devant un monument. Fantastique architecture, avec un escalier extérieur où quelqu’un d’absent paraît inviter l’intrus qui, monté, s’élancerait vers le ciel. Elle accepte résolument et sans repousser comme un présage sombre, l’aile d’une de ces grandes chauves-souris appelées vampires où encore renards volants, qui lui bat le front, si ce n’est sa propre chevelure glacée : ou peut-être, étrangement, la noirceur envolée