Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/709

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L’ANNIVERSAIRE DE LA MORT D’HENRI REGNAULT endredi a été célébré, en l’église de Saint-Augustin, V un service anniversaire de la mort du peintre Henri Régnault, tué au combat de Buzenval le 19 janvier 1871. Le clergé de l’église occupait les stalles du chœur. L’orgue était tenu par Saint-Saëns, ami de Régnault, qui a joué une marche magnifique; le Requiem a été chanté par Herman-Léon. Une assemblée, dont le dénombrement donnerait ce que Paris compte d’illustre, avait répondu à la convocation faite par quelques journaux et remplissait la nef. La cérémonie paraissait ce qu’elle devait paraître. Était-ce, cependant, un anniversaire ? Pour les compagnons présents de l’héroïque volontaire du e bataillon de marche *, la date de cette journée garde à bon droit toute sa valeur. Mais pour ses amis (bien que plusieurs des plus chers eussent organisé ce service), n’est-ce pas à chaque moment et partout que le retour intolérable de ce coup, la mort de Régnault, les frappe avec une douleur renouvelée et qui ne veut pas se croire ancienne ? La famille était représentée par M. Régnault père, venu de la province où il est retiré; Régnault avait perdu sa mère. Entourée des siens, assistait celle qui devait être sa femme, et qui l’est malgré le sort. A ses yeux surtout, probablement, il n’y a pas un jour qui soit plus remarquable qu’un autre dans le deuil uniforme avec lequel sa personne semble s’être identifiée. Quant aux représentants, à cette cérémonie douloureuse, de la science, de l’art ou des lettres, pour eux non plus une année ne s’est pas écoulée depuis l’absence de l’être merveilleux que chacun pleurait au dedans de soi. Dès l’heure tragique, il y a un an, on comprit la disparition à tout jamais d’un génie, et l’affreuse perte causa dorénavant à l’esprit l’impression d’un malheur absolu et indifférent aux formules du temps. Ou si quelque [I.c numéro est resté en blanc dans le texte imprimé.]