Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/723

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République des Lettres, avide de la suivre à travers le déroulement du futur, présenta en sa première livraison un extrait dès longtemps célèbre, s’ouvre et se ferme dans sa magistrale plénitude d’aujourd’hui par deux drames antiques, Atalanta à Calydon, puis Êrechtheus. Toute entière fascinée par la prodigalité éblouissante d’imagination qui éclate dans l’une de ces pièces, la génération poétique contemporaine attendait, non sans émoi, que l’autre apparût : différente, neuve, suprême. L’intérêt, quel en serait-il; et le ton et le concept : impatience, non doute. Seul le fait qui devait se produire dans la carrière parfaite du génie même le plus libre d’allures ! m’invite à le constater : par une régularité aisée à dire en peu de phrases consolant du peu de temps que j’ai à parler. Abstraction faite de l’éclat puisé à sa richesse pour ces tragédies d’cre presque moderne, Chastelard et Rothivell, tout le débordement de fougue précoce envahissant le drame de début a trouvé un cours naturel en deux recueils de chants lyriques, extasiés d’amour et de liberté, Poëmes et Rallades et Chants avant P Aurore : à la tragédie de la maturité spirituelle restait donc la fortune nouvelle d’une inspiration savante, pure quoi-qu’enthousiaste, conforme davantage à quelque chose de grec. Suivez la marche paisible de l’action. Erechtheus, roi d’Athènes, invoque cette terre sainte qu’a foulée l’ennemi Eumolpus; et bientôt, énigmatique, il annonce à sa femme Draxithea que le destin, pour le salut de la ville, veut le sacrifice de leur enfant Chtonia, laquelle reçoit de la bouche maternelle l’oracle : simplicité et tendresse, rien que d’ineft'able entre la mère et la fille et des adieux calmes comme l’acquiescement. Personnages autres, un héraut, il a jeté le défi d’Eumolpe; un messager qui dit l’immolation au pied du même autel de la vierge parmi ses sœurs offertes d’elles-mêmes au couteau; un héraut athénien pour proclamer l’honneur d’Erechtheus par la foudre frappé après la défaite de l’envahisseur. Le spectacle finit avec la survivante demandant aux dieux de lui accorder à elle aussi, Praxithea, épouse et mère, le bienfait de la mort : Athenor favorable au souhait, verse sa protection à jamais sur la cité appelée de son nom. Le tragique, très contenu, demeure aux régions supérieures de l’idée : tandis que dans la parole et les actes règne