Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/923

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résultat d’abord, puis à un tout différent, n’est, ses découvertes ordonnées, rien que la marche à suivre dans la Connaissance d'une Langue : juxtaposez, ici à l’histoire et à la logique là, le double effort de la mémoire et de l’intellect. Avant de s’occuper de tel ou tel parler, quelques généralités, toutefois, ne messiéraient point, concernant le point de vue que pareille étude apporte ou demande à la pensée contemporaine. Qu’est-ce que le Langage, entre les matériaux scientifiques à étudier ? A chacun d’eux, le Langage, chargé d’exprimer tous les phénomènes de la Vie, emprunte quelque chose; il vit : et, comme (pour aider l’enfance à saisir) force est que le monde extérieur prête ses images, toute figure du discours, relative à une manifestation quelconque de la vie est bonne à employer à propos du langage. Les mots, dans le dictionnaire, gisent, pareils ou de dates diverses, comme des stratifications : vite je parlerai de couches. Ou le développement en a lieu selon telle ou telle loi inhérente à leur croissance, les faisant dépendre d’une souche ou de plusieurs : je groupe en rameaux, que parfois il faut élaguer de quelques rejetons ou même greffer, ce vocable enté sur cet autre; ou bien un afflux se détermine dans un sens, irruption et débordement, simple courant. A toute la nature apparenté et se rapprochant ainsi de l’organisme dépositaire de la vie, le Mot présente, dans ses voyelles et ses diphtongues, comme une chair; et, dans ses consonnes, comme une ossature délicate à disséquer. Etc., etc., etc. Si la vie s’alimente de son propre passé, ou d’une mort continuelle, la Science retrouvera ce fait dans le langage : lequel, distinguant l’homme du reste des choses, imitera encore celui-ci en tant que factice dans l’essence non moins que naturel; réfléchi, que fatal; volontaire, qu’aveugle. Tout ceci va apparaître. Sans se perdre dans des considérations relatives à l’Ori-gine du Langage, la Philologie (science d’hier) étudiant l’apparition d’idiomes anciens ou morts, comme le Latin et le Grec, et modernes ou vivants, comme l’Anglais et le Français, se rend un compte exact du travail qu’ils montrent. Pour ce qui est, je suppose, du Latin et du Grec, de même qu’à leur commencement de l’Anglais et du Français, notre Science s’aperçoit que, loin de naître spontanément, ils ne sont qu’une transformation, corrompue ou élégante, de parlers antérieurs. Rien de spontané : les petits enfants d’une race neuve, c’est-à-dire renouvelée, ne s’assemblent point sur un agora ou un forum qui n’existe pas encore, pour édicter ou proclamer une langue nationale; et si notre Académie, puis des maîtres comme Littré et l’anglais Latham, dans une époque tardive, composent leur diction-