de la langue : opulente ou humble, ou vivace ou aride. Mais de tant de dires préliminaires résulte (notion à ne jamais trop affirmer ici) que l’Anglo-Saxon, à la veille d’être entraîné par le parler de l’Ile-de-France en l’aventure d’où sortira l’Anglais, figure, lui-même, comme un langage point grossier, non : puissant, jeune et capable de chants; et à coup sûr le plus cultivé de tous les idiomes de l’occident. Maturité et presque perfection de son orthographe, régularité dans le maniement de ses formes : tout ce que demandent la traduction des auteurs latins et une application à l’éloquence et à la poésie, ce parler (conquérant d’abord du Celte autochtone puis fait pour résister au Latin chrétien et ne céder que tard au Français Normand) l’avait en soi; outre une noblesse authentique de race. § 3. Langue d’Oil. Qu’était-ce d’autre part, que le Français, plus proprement appelé langue d’Oil (à cause de oui qui s’y disait ainsi) ? Une langue qui, comme le Grec eut jadis l’ionien, l’Éolien, l’Attique et le Dorien, comptait quatre dialectes : le français (ou celui de l’Ile-de-France) commençant à peine à triompher du Picard, du Bourguignon, du Normand qui le versa dans l’Anglo-Saxon. Quatre littératures différentes autant que les quatre modes d’expression, se partageaient le sol aussi, abondantes en cantilènes, c’est-à-dire en chants épiques, brefs. Une succession de ces petits poëmes ne formait pas encore la Chanson de Roland (xne siècle) ; mais ils n’étaient déjà plus, les uns ou les autres, la Cantilène de Sainte Eulalie (xe siècle). Voilà une stance extraite de la Chanson de Roland. Oliver est dessur un puy muntet, Or veit il ben d’Espaigne le regnet E Sarrasins ki tant sunt asemblez. Luisent cil elme, ki ad or sunt gemmez, E cil escuz et cil osbercs safrez, E cil espiez, cil gunfanum fermez. Sul les escheler ne poet il a cunt er, Tant en ad que mesure n’en set, En lui méisme en est mult esguaret; Cum il einz pout del pui est avalet, Vint, as Franceis, tut lur ad acuntet. Traduction littérale. Olivier est monté sur un puy : or il voit bien le royaume d'Espagne et les Sarrazins qui sont tant d’assemblés. Leurs heaumes luisent, étincelants d'or, et les écus et les hauberts frangés, et les épieux et
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