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Page:Mallarmé - Le Tombeau de Charles Baudelaire, 1896.djvu/67

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POÈMES




Je suis…




Je suis la synagogue, on y dit pardonnez-nous
Car nous avons pâti, gravement contre nous
Et avons nui, au pauvre Dieu, qu’avons construit
De nos mains, de nos nerfs, et puis de notre ennui.

Je suis la basilique, on y dit pardonnez-nous
Car nous avons bâti sur le sang et le sable,
Les os d’autres martyrs pavent le sol où nos genoux
Implorent quelque chose, comme un dieu de clémence
Et peut-être de démence.

Et je suis la mosquée, les offrandes des pâtres
Parent mes murs sans images — ce sont les pauvres fruits
Du désert marâtre où leur vie se détruit,
Et je suis la mosquée, du plus haut minaret
J’ai su chanter ma peine et mon bonheur, aussi.


Gustave Kahn