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Fleur du Mal




La tombe t’environne et le vol des harpies
Tourne autour de sa main ténébreuse, où fleurit
Comme un bouquet mauvais, le mortel manuscrit
Lié d’affreux fils blancs qu’il applique en charpies.

Sa Joie et sa Douleur le gardent, accroupies,
Et les seins dans les mains, devant lui qui sourit
Se touchent, rose essor et chair de son esprit
Remords voluptueux qui tord ses yeux impies.

Mais lui, dieu de lui-même et maître d’ignorer
Il songe à la beauté qui porte sans pleurer
La lune à son front bleu ceint de joncs verts et d’ulve,

Déesse qui descend dans le lac des péchés
Et, dans l’ombre sur l’eau de ses cheveux penchés,
Parmi tous les iris cueille la rouge vulve.


Pierre Louys