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Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/136

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d’un jour ne peut voler un troupeau ni même savoir ce que c’est que des vaches. Hermès, en faisant cette réponse, cligna malicieusement de l’œil et fit entendre un rire pareil à un doux et long sifflement, tout comme si les paroles de Phoïbos l’avaient puissamment amusé. Phoïbos n’accepta pas cette excuse, il saisit l’enfant dans ses bras ; mais Hermès fit un si grand vacarme, qu’il le laissa vivement choir. Phoïbos voyant dans ce fait un signe qu’il retrouverait ses vaches, dit à Hermès d’ouvrir la marche. Hermès, se levant de peur, tira les drapeaux par dessus ses oreilles, et reprocha à Apollon sa dureté. « Je ne sais rien d’une vache, dit-il, que son nom. Zeus doit, dans cette querelle, décider entre nous. » Voici le jugement de Zeus. Quand le dieu souverain eut entendu la plainte d’Apollon et écouté Hermès, lequel, clignant toujours des yeux et haussant les draps à ses épaules, protestait qu’il ne savait point faire un mensonge, et ne savait que jouer, comme les autres petits enfants, dans son berceau, Zeus rit et ordonna à Phoïbos et au nouveau-né de rester amis : et le dieu souverain inclina la tête. À ce signe Hermès n’osa désobéir ; mais courant vers les bords de l’Alphée, il ramena le bétail du clos où il l’avait parqué. La querelle ne finit pas là, non. Phoïbos vit le lieu où avait été allumé le feu, et les peaux et les os des bêtes mises à mort ; s’émerveillant qu’un bambin pût écorcher des vaches entières, il saisit de nouveau celui-ci et le lia de bandelettes de saute, que l’enfant brisa autour de son corps comme du chanvre. Hermès, dans sa terreur, pensa à sa lyre d’écaille, et en fit jaillir une musique si suave et pleine de paix, qu’Apollon, oubliant sa colère, le supplia de lui enseigner cet art prodigieux.