Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/155

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cet abandon. Aussi Héraclès ne demeura pas avec Déjanire pendant le reste de sa vie. Un jour il tua de sa lance infaillible Eunome, fils d’Œnée ; et rien après ce meurtre ne put l’empêcher de poursuivre sa marche occidentale. Le meurtre d’Eunome n’est lui-même qu’un de ces incidents qu’on retrouve dans divers contes : une autre forme par exemple de l’histoire qui représente Tantale tuant son propre fils.

Déjanire avait quitté sa maison avec son mari et elle alla avec lui aussi loin que Trachis, ayant reçu, sur sa route, du centaure Nessos (le Nessus latin) que tua Héraclès, une coupe remplie du sang de ce personnage. Ce don n’était pas sans objet : « Elle pourrait, avait dit Nessos, en répandant ce sang sur une robe portée par Héraclès, regagner à tout moment son amour, si elle venait à la perdre. » Déjanire eut à craindre ce malheur, du moins elle s’en crut menacée ; car, résidant à Trachis, elle entendit parler de la capture faite en Œchalie par le héros et dire qu’il ramenait avec lui l’aimable vierge Iole. Elle lui envoya en conséquence la robe ointe du sang de Nessos (ou Nessus). Le messager le trouva sur le point d’offrir un sacrifice, et Héraclès revêtit la robe, qui lui brûla promptement la chair et fit jaillir son sang en ruisseaux sur le sol. Héraclès ordonna au messager de le porter sur le sommet du mont Œta, et le dieu mourut au milieu du tonnerre et de l’orage, considérant Iole qui se tenait, pleurante, à son côté. Cette scène magnifique a un sens profond : reconnaissez le dernier incident de ce qui a été plus haut appelé la Tragédie de la Nature, — la bataille du Soleil avec les nuages qui se rassemblent autour de lui comme de mortels ennemis, à son coucher. Comme