Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il s’enfonce, les brumes ardentes l’étreignent et les vapeurs de pourpre se jettent par le ciel, ainsi que des ruisseaux de sang qui jaillissent du corps du mythe ; tandis que les nuages violets couleur du soir semblent le consoler dans l’agonie de sa disparition.

Relevons quelques particularités omises dans l’ensemble du récit précédent. À propos des armes d’Héraclès, d’abord : il se sert quelquefois d’une massue, d’autres fois d’une lance, et parfois de flèches empoisonnées. Les Grecs n’employèrent jamais de flèches empoisonnées : il n’y a du moins aucun témoignage qu’ils l’aient jamais fait. Quelle peut être l’origine de ce détail ; est-il quelques héros qui employèrent de semblables armes ? oui, Philoctète et Odyssée (ou Ulysse). Comment donc ces modes inhumains de combattre ont-ils été attribués par les Grecs à leurs héros les plus grands ? Parce que le mot ios, lance, est le même, pour le son, que le mot ios, poison. Les deux idées se confondirent ; et l’on dit que Hélios, Héraclès et plusieurs autres combattirent avec des lances ou des flèches empoisonnées. Autre chose. Les pérégrinations d’Héraclès ne se bornèrent pas à la Grèce : il voyage par tout le monde, mais, comme le soleil, se meut toujours de l’Est à l’Ouest. Étudions enfin si le caractère d’Héraclès est simplement fait de dévouement ou de sacrifice de soi-même. Si l’on parle du soleil comme se donnant du mal pour autrui, on peut en parler aussi comme jouissant, dans chaque terre, des fruits qu’il a mûris. Héraclès devint donc quelqu’un avide de manger et de boire : et lorsqu’il apprend dans la maison d’Admète que son hôte vient de perdre sa femme, il ne regarde pas ceci comme une raison suffisante pour perdre