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Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/23

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attention, quand nous comparons les légendes des différents pays, c’est la ressemblance entre leurs traits les plus importants, qui n’en est parfois même que la répétition.

Quelle est la conclusion à tirer de ce fait, sinon que les légendes de toutes ces nations ont une seule source commune ? Et quelle est cette source ? Les mots et les phrases usités par les anciennes tribus pour parler de ce qu’elles voyaient, entendaient ou sentaient dans le monde situé autour d’elles. Si ces paroles avaient trait au décor ou au jeu de la vie de chaque jour, peut-être se demandera-t-on comment elles ont pu donner naissance à des histoires de géants et de nymphes ou d’autres êtres non réels. Voici : comme le temps marcha, et que les peuples se séparèrent, le vieux sens s’oblitéra, totalement ou partiellement. Je le répète : tant que ces antiques peuplades demeurèrent au même lieu, il n’y eut pas à craindre que les termes qu’elles employaient pour parler entre elles, fussent mal compris ; mais le temps alla, les tribus se dispersèrent. Quelques-unes errèrent au sud, d’autres au nord et à l’ouest ; et il arriva que toutes gardèrent les noms donnés jadis au soleil et aux nuages et à toute chose, alors que la signification de ces noms était presque perdue [1].

Pour résumer ce qui précède, je dirai que la Mythologie est simplement le recueil des on-dit par lesquels les hommes d’autrefois se contèrent tout ce qu’ils voyaient ou entendaient dans les pays où ils vécurent. Cette explication ou clef, qui nous a ouvert presque tous les arcanes de la Mythologie, n’est placée entre nos mains, par la

  1. Exirait d’une Préface de Cox.