Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/24

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science, que depuis quelques années. Nous percevons donc, nous autres modernes, mieux que ne le firent les peuples classiques, combien, dans leur forme primitive, ces on-dit étaient naturels en même temps que dotés d’une beauté et d’une vérité merveilleuses [1].

Maintenant passons aux preuves.

Toutes se résument en ce fait que beaucoup de noms qui en grec et en latin n’ont aucune signification, sont parfaitement intelligibles dans d’autres langues, qui les conservent plus voisins de leur origine. Que d’exemples ! c’est en foule qu’ils viennent à la mémoire de qui a étudié les auteurs classiques. Ces noms, Argynnis, Phoronée et Érinnys, sont, en grec, des mots qui ne présentent aucun sens. Or ils s’expliquent dans la vieille mythologie de l’Inde, et l’on y voit qu’Érinnys est l’aurore lorsqu’elle « rampe dans le ciel » ; Argynnis, un nom du matin, désignant ce qu’il a de brillant ; Phoronée, c’est le dieu du feu, Bhuranyn. Tel cas même se présente où la vieille signification des mots n’est point totalement effacée. Voyez l’histoire d’Endymion ; Séléné, qui le visite, y est encore la lune : tout ce que l’on avait oublié, c’est qu’Endymion était le nom du soleil quand il plonge dans la mer, si bien qu’on prit celui-ci pour un jeune homme que la lune avait regardé complaisamment. Beaucoup de noms, dans la mythologie grecque notamment, s’expliquent de cette façon : peut-être le plus grand nombre. Ainsi Phoibos veut dire seigneur de « la lumière » ou de « la vie » ; et Délos, où est né le dieu, veut dire « la terre brillante » ; c’est de là

  1. Extrait, en partie, d’une Préface de Cox.