Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/239

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saient l’Hadès : le Styx, qui l’enveloppait de sept replis ; puis l’Achéron, le Cocyte, le Phlégéthon ou Pyriphlégéthon, et le Léthé. Aucun de ces noms qui n’ait sa signification. Achéron, comme l’Achéloüs, l’Axios, l’Axé, l’Exe, l’Usk, et maint autre courant, signifie simplement l’Eau. Le Cocyte est le fleuve des gémissements et des larmes ; le Styx, le fleuve haïssable ; le Phlégéthon ou Pyriphlégéthon, celui du feu : et le Léthé appartient comme Léto, la Latone latine, et Léda, à la terre de Latmos ou celle de l’oubli et de la mort. Le seul détail poétique relatif à ces cours d’eau funèbres, c’est que les ombres les traversaient dans la barque du sombre passeur Charon (fig. 163), fils d’Érèbe et de la Nuit : pour se rendre vers la demeure souterraine à la porte de laquelle veillent les deux chiens, l’un Orthros, et l’autre Cerbère aux trois têtes. À tout jamais on entrait là, sur le verdict des trois juges Minos, Éaque, Radamanthe.

Où commence, où finit ici la légende : point curieux à discerner. Ces rivières n’étaient pas imaginaires : non loin de l’Épire existait le fleuve Achéron, avec son affluent le Cocyte ; on fit, de toute antiquité, sur leurs bords, des sacrifices pour les morts. Il y a donc, on le voit, quelque-chose d’historique mêlé à ces fables. Exemple encore : l’Averne ; ce nom appartenant à un lac italien près de Naples, que l’on supposait donner accès aux régions infernales : et la sybille de Cumes habitait une caverne sur ses bords. Ce n’était pas toutefois un nom d’origine latine, mais une forme latinisée du grec Aornos, qui indique un lieu sans oiseaux : on croyait qu’aucune aile ne pouvait le traverser, à cause des vapeurs mortelles qui s’élevaient à sa surface. Quant à la valeur morale de