Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le soir, dans une coupe ou un vase d’or, qui le portait au cours du fleuve Océan, dans la demeure noire de la Nuit : il y trouvait sa mère, sa femme et ses enfants, et c’est de cette coupe qu’il s’élevait encore le matin.

Si vous voulez retrouver, de temps immémoriaux, l’histoire des Argonautes, écoutez les plus vieux poèmes indiens. Le départ du soleil laissant les hommes dans la peine et la crainte, l’idée d’une recherche de cet Ami perdu se présenta d’elle-même à leur pensée primitive ; on supposa donc que toutes les choses que l’astre avait choyées de sa chaleur, dans le courant du jour, le cherchaient, réussissant enfin à le trouver et à le ramener.

Qu’est-ce alors que la nef Argo ? Un symbole de la terre, en tant que génératrice : elle contient en soi les germes de toutes les choses vivantes. Cette nef porte tous les chefs achéens, qui reviennent avec une force et une vigueur nouvelles, quand leur mission est accomplie. Génératrice de toutes choses, la terre apparaissait aux anciens comme un être conscient, possédant le don de la pensée, de la vue, et même du langage : aussi la nef parle. Quant à la toison d’or, voyez-y le vêtement d’or (ou les rayons) du soleil, lequel réapparaît dans la robe donnée par Hélios à Médée : ces rayons peuvent ou chauffer ou brûler ceux qu’ils viennent à toucher. C’est la même robe que donne Nessos à Déjanire, et qui consume le corps d’Héraclès.

Médée, enfin, incarne un être possédant cette sagesse, qui appartient à Phoïbos Apollon par droit de naissance. Cette sagesse, Asclépios et Tantale en héritent, en tant que représentant les secrets cachés de Zeus (le ciel) : appliquée à Médée comme à une femme sage ou instruite, elle