Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/29

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naître plus tard ses transformations capricieuses, celles que lui font subir les fables des poètes [1]. Étudiée selon ce mode nouveau, la Mythologie jette une vive lumière sur l’histoire primitive des nations européennes.

L’époque où l’on se mit à régler la Mythologie, c’est quand l’évolution en était déjà complètement faite ; le hasard qui se mêlait aux mythes dans l’esprit des Grecs (car c’était une condensation libre d’images vaporeuses et naturelles) incita ce peuple harmonieux à trouver une ordonnance qui n’existait pas essentiellement. On serait étonné si l’on voyait des tables généalogiques montrer la liberté avec laquelle plusieurs États grecs ou des villes traitaient leur fonds commun de contes légendaires ; car ce que j’appellerai la « vitalité mythique », demeura encore quelque temps après que les Aryas furent fixés en leurs terres helléniques. Mainte table, facile à faire d’après les auteurs, présente les mêmes noms dans des rapports tout à fait différents ; impossible de les faire s’accorder historiquement, mais ils s’accordent strictement avec les phrases mythiques qui furent les racines de ces généalogies, où dieux, héros, hommes sont inextricablement mêlés. N’imitons pas, nous, ces efforts postérieurs, mais apprenons maint symbole.

Nous devons tout regarder ici comme des contes parfaitement beaux et inoffensifs, graduellement défigurés en dehors de la volonté ou même de la conscience des interpolateurs. Bien entendu — c’est le détail le plus important à tirer de la digression ouverte par les quelques réflexions présentes — que les peuples anciens ne

  1. Le Traducteur, d’après l’Auteur.