Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/314

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dans la traduction monumentale qu’il a entreprise des œuvres grecques ; et je ne doute pas qu’il agisse de même le jour où il initiera notre public à toute la poésie de Rome. Ces mots non traduits gardent le charme de bijoux authentiques, dont un sculpteur enrichirait ses marbres purs.

Mais le petit livre que l’on vient de parcourir suggère un devoir différent.

Quel plaisir se mêle à notre surprise de voir des mythes connus lentement s’évaporer, par la magie même qu’implique l’analyse de la parole antique, en l’eau, la lumière ou le vent élémentaires ! Or, si nous risquons à détruire chacune de ces personnalités anciennes qui, pour nous, consistent notamment dans l’effet familier que nous produit leur nom, la métamorphose à laquelle on veut assister sera, pour ainsi dire, commencée dès avant et ne causera pas toute l’impression attendue. Maintenant je crois (indépendamment d’une application de cette façon de voir au livre présent qui l’invoque comme auxiliaire de son effort) que la traduction française des noms grecs ou latins est propre au génie même de la langue française : si je puis, principalement, inférer quelque chose de ce fait que notre langue est presque seule à user du privilège de traduire ces noms. Mauvais génie peut-être, à de certains moments, mais bienfaisant et habile à d’autres : car combien de noms charmants nous gagnons, dont plusieurs sont maintenant inhérents à la langue presque usuelle au point qu’il ne serait pas licite de les annuler sans qu’ils y fissent quelque vide regrettable ! Oui, c’est parce que ceux-là sont des mots fréquemment proférés et