Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/316

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Français, excepté Aphrodite [1] et d’autres qui forment un cortège insuffisant à cette déité, ont été, même venant, comme ce mot, du Grec, traduits par l’intermédiaire du Latin. Quand le mot original est latin, c’est à merveille que le Latin se francise ; et je déclare que, dans ma langue, j’oublie à tout jamais Mercurius et ne connais que Mercure ; j’ajoute même que, tant que vivra cette langue, il faudra respecter ce nom, dont l’existence est un fait acquis. Mais où il siérait d’imposer silence à l’éloge, c’est dans le cas entrevu d’un mot grec qui, après avoir été régulièrement transcrit en Latin, a été, par la suite, non moins régulièrement transcrit du Latin en Français. Sans compter qu’il y eut, dans cette déplorable erreur traditionnelle, confusion non plus de simples noms, mais souvent de personnages : exemple, Artémis, que je choisis, n’a, scientifiquement, rien à faire avec Diane. La grande familiarité du Latin avait conduit les modernes à négliger, absolument, le nom grec des grands dieux dont le culte fut à peu près commun à la Grèce et à l’Italie. Pourquoi, par ce détour, infliger à ce nom une perte de sa saveur très-grande relativement à celle qu’il eût subie dans son passage immédiat de Grèce chez nous ? Ce pas est mauvais : je respecte l’empressement instinctif du Français à traduire, mais je blâme qu’il n’ait pas su prendre où traduire. Il faudra qu’on revienne sur ce pas : quand ? je ne sais, il m’est permis cependant de conjecturer ; et je présume que, des horizons différents s’ouvrant à l’étude mythologique, qui entre, avec des livres comme

  1. Au lieu d’Aphrodité.