Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/32

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la Mythologie, sur l’élément purement religieux, quelle est donc l’idée, chère au poète, qui pourrait, selon la science moderne, ordonner en un système le groupe épars des dieux et des héros ? Nous parlons aujourd’hui du Soleil qui se couche et se lève avec la certitude de voir ce fait arriver ; mais, eux, les peuples primitifs, n’en savaient pas assez pour être sûrs d’une telle régularité ; et quand venait le soir, ils disaient : « Notre ami le Soleil est mort, reviendra-t-il ? » Quand ils le revoyaient dans l’Est, ils se réjouissaient parce que l’astre rapportait avec lui et sa lumière et leur vie.

Tel est, avec le changement des Saisons, la naissance de la Nature au printemps, sa plénitude estivale de vie et sa mort en automne, enfin sa disparition totale pendant l’hiver (phases qui correspondent au lever, à midi, au coucher, à la nuit), le grand et perpétuel sujet de la Mythologie : la double évolution solaire, quotidienne et annuelle. Rapprochés par leur ressemblance et souvent confondus pour la plupart dans un seul des traits principaux qui retracent la lutte de la lumière et de l’ombre, les dieux et les héros deviennent tous, pour la science, les acteurs de ce grand et pur spectacle, dans la grandeur et la pureté duquel ils s’évanouissent bientôt à nos yeux, lequel est : La Tragédie de la Nature [1].



  1. Note particulière à la Traduction.