Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/31

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logie est-elle la religion des anciens ? Oui : en tant qu’une religion peut ne pas fournir certaines impressions religieuses nécessaires et que seront obligés de puiser autre part ses adeptes, soit dans les maximes des poètes, des philosophes, ayant sur la vie l’influence morale et sacrée que n’a pas, en principe, la théogonie grecque. Il se formera, avec l’aide de la conscience humaine, de cette façon, deux courants idéals distincts : l’un, situé entre la religion et la fable, est le mythologique proprement dit ; un autre serait celui qu’aujourd’hui nous appellerions simplement le religieux. Que tous deux se présentent sous le couvert des mêmes paroles anciennes, bien que restant totalement différents, cela est abondamment prouvé par la littérature grecque, non moins que par la littérature hindoue. Ne point croire que, dans les temps antiques, un homme qui prononçait fréquemment le nom de Zeus, fît une allusion continuelle à un personnage unique ; non : il parlait comme deux langues très-distinctes. Zeus existait double au fond de son âme : le Zeus embrassant les noms et les actes des phénomènes par ce dieu personnifiés, et le Zeus père universel, imploré dans le malheur et remercié dans la joie, qui voit tout et que personne ne vit jamais. Le Paganisme empruntait, inconsciemment, à la religion unique, latente, certaines de ses inspirations les plus pures, comme cette dernière, dans sa phase moderne, qui est le Christianisme, a emprunté aux vieux rites plusieurs manifestations extérieures de son culte [1].

Si l’élément poétique l’emporta décidément, dans

  1. Le Traducteur, d’après l’Auteur en général ; notamment d’après la Gde Myth., liv. I et II, ch. 1 et 2.